Véritable épouvantail pour de nombreux entrepreneurs français, le RSI est sur la sellette, 10 ans après sa création. Le projet de suppression du régime des indépendants n'est cependant pas aisé à mettre en oeuvre en pratique et s'inscrit dans un calendrier social déjà compliqué.
Le 4 juillet dernier, le premier ministre Edouard Philippe a confirmé la suppression du RSI pour début 2018. Un calendrier ambitieux, d’autant que le gouvernement lance dans le même temps des projets périlleux comme la réforme du Code du travail. Importante promesse de campagne, la réforme a pour ambition de répondre aux nombreuses critiques essuyées par le régime des indépendants depuis plusieurs années. La suppression du RSI sera-t-elle en mesure de répondre aux attentes des indépendants ? Les modalités de la réforme, qui prévoit de maintenir un régime spécial pour les indépendants adossé au régime général de la Sécurité Sociale, laisse de nombreuses questions en suspens.
10 ans de désamour
10 ans, c’est le temps qu’aura tenu le RSI… 10 ans qui auront suffi à en faire la véritable bête noire des indépendants. Selon un sondage Opinion Way pour le Syndicat des Indépendants, la suppression du RSI serait en tête des sujets urgents à traiter par le nouveau gouvernement aux yeux des indépendants. En cause, des dysfonctionnements structurels notamment depuis le rapprochement entre RSI et URSSAF en 2008. Erreurs dans le calcul des cotisations, régularisations en retard voire inexistantes, communication pour le moins difficile… Les nombreux « bugs » du RSI ont abouti à des situations dramatiques, poussant certains affiliés au dépôt de bilan. Aujourd’hui, de très nombreux entrepreneurs évitent purement et simplement le RSI au moment du choix de la forme juridique de leur entreprise, et ce alors même que ce régime social peut sur le papier être plus avantageux. Une situation confirmée tant par le Cour des comptes qui a dénoncé une véritable « catastrophe industrielle » que le rapport Verdier et Bulteau en septembre 2015 selon lequel “le RSI n’est ni suffisamment lisible, ni suffisamment juste”.
Qu’attendre de la suppression du RSI ?
Premièrement, la fin des dysfonctionnements. Sans même parler de modifier les “règles” du régime social, le premier objectif poursuivi est d’arriver - enfin - à une gestion saine et fluide des cotisations, prélèvements et versements. Les indépendants appellent par ailleurs à une revalorisation de leur protection sociale. François Hurel, président de l’Union des Auto-entrepreneurs, souhaite une “véritable équité entre tous les actifs”. En réalité, les prestations sociales du RSI ont été progressivement alignées sur celles des salariés et assimilés-salariés. Trois points noirs subsistent :
le chômage, absent du RSI et dont l’universalisation est une promesse d’Emmanuel Macron
les allocations maternité (au minimum 6 semaines au RSI contre 16 pour le régime général)
les indemnités pour accidents du travail (100% du salaire versé contre 53% de la rémunération des indépendants aujourd’hui).
A l’évidence, cela n’ira pas sans s’accompagner d’une augmentation significative du taux de cotisations, à laquelle, toujours selon le SDI, 29% des indépendants se disent prêts, tandis que la majorité serait prête à voir les cotisations modérément augmentées.
Il s’agit donc non seulement de refondre le fonctionnement du RSI pour le rendre véritablement efficace, mais également de revoir les règles du jeu pour mieux protéger nos indépendants.
De nombreuses zones d’incertitudes
La mis en œuvre du projet devrait intervenir en 2018 et les indépendants conserveraient un régime special sous forme de caisse dédiée au sein du régime général. Au delà, les conditions et les modalités de la suppression du RSI sont encore floues.
On peut tout d’abord s’interroger sur la capacité du gouvernement à réellement simplifier la gestion du régime. Le projet est loin d’être anodin et le chantier risque en outre d’occasionner des dysfonctionnements temporaires, le temps de la transition. Combien de temps les affiliés tolèreront-ils de nouveaux « bugs » fonctionnels ?
Ensuite, à quel point le régime des indépendants sera-t-il aligné sur celui du régime général? La fin du RSI ne signifie probablement pas un alignement pur et simple des cotisations et prestations. Cette option risquerait de créer un très fort mécontentement chez les indépendants, lorsque l’on sait que les taux de cotisations peuvent être de 30 à 40% plus élevé chez les assimilés-salariés.
La question du rapprochement entre RSI et régime général porte aussi sur la facilité de passage de l’un à l’autre. Il s’agit de prendre en compte la tendance lourde de mobilité accrue des travailleurs dans leur trajectoire professionnelle sur le long terme. Il semble impératif de rendre le passage d’un régime à l’autre plus fluide, en assurant que le bénéfice des cotisations faites dans le cadre de l’un des régimes est préservé lors du changement de statut.
Enfin, la suppression du RSI pourrait être l’occasion de traiter un autre problème qui a également animé la campagne présidentielle 2017 : la question de la requalification des contrats de prestations des indépendants en contrats de travail. Pour François Hurel, président de l’Union des Auto-entrepreneurs, le rapprochement du niveau des prestations sociales et au premier chef la création d’un chômage universel est la première étape de cette clarification. Selon lui, cette inégalité de protection constitue la motivation principale du juge pour requalifier un contrat. Il s’agit de rendre implicitement caduque la requalification. Une opportunité qu’il appelle de ses voeux, la crainte de requalification freinant certaines entreprises à passer contrat avec un auto-entrepreneur ou entrepreneur individuel. De même, plus de la moitié des indépendants souhaiteraient pouvoir travailler en réseau et y renoncent en raison des risques juridiques et sociaux.
Chronique de Pierre Aïdan le 09/08/2017 18:23
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