Lorsqu'elle avait 30 ans, une femme a reçu le cœur d'un patient sexagénaire.
Un cas de moins en mois rare, faute de greffons.
C'est le plus vieux coeur de donneur encore en activité au monde! Une femme de 53 ans porte un coeur qui bat depuis 91 ans, rapportent des cardiologues du centre médical universitaire de Loma Linda, en Californie, dans le journal Transplantation Proceedings de septembre. Dans ce cas surprenant, cette patiente a été greffée, à 30 ans, avec le coeur d'un patient de 68 ans. Elle a vécu 23 ans avec ce coeur, sans problèmes cardiaques majeurs.
Choisir un coeur de 68 ans et le greffer à une personne aussi jeune est inhabituel, mais il a été jugé préférable qu'elle soit transplantée avec ce coeur d'un patient âgé plutôt que de rester sur la liste d'attente. Les auteurs en profitent toutefois pour tirer la sonnette d'alarme: une augmentation du nombre de «mauvais appariements» conduit à implanter des coeurs de personnes âgées chez des personnes jeunes. «Il y a un risque que des pathologies 'de coeur âgé' apparaissent», explique le Pr André Vincentelli, chirurgien cardiaque au CHRU de Lille. Des insuffisances cardiaques, un rétrécissement aortique, des coronaires qui se bouchent...
Pour le Pr Vincentelli, le fond du problème se résume simplement: il n'est pas possible de répondre aux besoins. «Les donneurs marginaux, qui sortent des critères classiques, c'est une problématique qui devient fréquente en France, explique-t-il. Pour l'instant on essaye au maximum d'apparier les coeurs âgés avec des donneurs âgés, mais ce n'est pas toujours possible. Sans compter qu'en France, la moyenne d'âge des donneurs est de 45 ans contre 32 ans aux États-Unis.»
Effectivement, d'après les données de l'Agence de Biomédecine, la part des donneurs âgés n'a cessé d'augmenter depuis 2010, passant pour les 56-66 ans de 14,1% à 21,7% entre 2010 et 2015, et de 0,5% à 5,7% pour les plus de 66 ans. Si l'on observe une telle pénurie de coeurs, c'est que le nombre de maladies cardiaques augmente, tandis que «le pourcentage de refus (de prélèvement après le décès), lui, ne bouge pas». Depuis 2010, celui-ci stagne aux alentours de 30% des patients décédés.
Pourtant, selon la loi du 22 décembre 1976, toute personne majeure est présumée donneur par défaut, sauf si elle a fait connaître de son vivant son refus d'un tel prélèvement. La loi du 26 janvier 2016 a renforcé et précisé ce dispositif en permettant de s'inscrire sur le registre national des refus en ligne. La famille peut aussi signaler si le défunt a fait part de son refus de son vivant, mais devra en fournir les preuves, ou le certifier.
Une loi claire... mais bien éloignée de la réalité sur le terrain. «On a des patients qui ne sont pas inscrits sur le registre des refus, et pourtant la famille s'oppose au prélèvement». Sauf que selon la nouvelle loi, la famille n'a pas à donner son avis. «C'est un problème de culture, reconnaît le Pr Vincentelli. On ne devrait pas demander l'avis de la famille, mais nous n'arrivons pas à passer outre. On leur demande ça au pire moment possible. On a une culpabilité à prélever, on a peur de provoquer un séisme.»
«Les Scandinaves (Danemark, Suède) ont résolu le problème: il faut obligatoirement donner son avis sur la question (donneur ou pas), et ensuite on ne demande plus l'avis de la famille», illustre le spécialiste...
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Publié le 13/09/2017 par Camille Van Belle